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Dieu est-il musicothérapeute ?

Dernière mise à jour : 30 déc. 2024



J'entends. Le titre de ce billet peut vous sembler aventureux voire cabochard, mais il est en réalité tiré d'une réflexion que je me suis faite il y a peu, et se veut tout à fait respectueux, qu'on se le dise. Cela fait des années que je pense à raconter cette histoire. Les fêtes de Noël, avec leur lot de chants, de lumière, et de moments suspendus, m’ont ramenée à un souvenir particulier : une messe évangéliste à laquelle j’ai assisté il y a huit ans. Je n’y suis pas allée par conviction religieuse – je suis athée – mais par curiosité et, peut-être, une envie inconsciente de me laisser surprendre. Et je dois dire que ce moment m’a frappée, non pas par sa dimension religieuse, mais par la force entrainée à l'écoute de la musique.


À l’époque, je n’avais pas encore pleinement conscience de l’impact de la musique dans la vie de tout à chacun, y compris la mienne. Mais aujourd’hui, avec du recul, je me dis que ce que j’ai vécu ce jour-là pourrait bien être apparenté à une séance de thérapie musicale collective.


Qu'en dites-vous ? Prêt.es à me suivre dans mes pérégrinations musicales ?


 


Une athée à la messe…


Dès l'accueil, l'ambiance était enveloppante. La première chose qui m’a frappée en entrant dans l’église, c’est l’énergie. Pas une énergie contenue ou solennelle comme on peut en trouver dans une messe catholique traditionnelle, mais quelque chose de vibrant, vivant. Des chants rythmés, entraînants, presque envoûtants, invitaient à une communion collective où la musique servait de fil conducteur.


Elle n'était pas une décoration, mais un moteur. Elle préparait quelque chose. Elle créait un espace où chacun pouvait déposer ses émotions, ses tensions, ses fardeaux. Puis vint un moment de libération que je n’avais jamais vu ailleurs : les fidèles se levaient, exprimaient à haute voix leurs fautes ou leurs peines. Certains pleuraient, se mettaient en boule quand d’autres criaient presque ! Cette cacophonie, ce circle song expiatoire où chacun s’exprimait librement, soutenue par une musique constante, m’a bouleversée.


En y repensant, je réalise que ce moment n’est pas si éloigné de ce que j'ai pu parfois observer en séance de musicothérapie (cf. mon article, Musique Transe & Danse). La musique devient alors un outil pour exprimer l’inexprimable, pour aller chercher au fond de soi des choses enfouies et les faire émerger dans un cadre sécurisé.


La suite de la messe, consacrée à l'écoute de la parole divine, me frappait par sa structure : libérer d’abord les émotions par la musique et la verbalisation, puis se rendre réceptif à un message. Ce processus ritualisé n’est pas sans rappeler les phases d’une séance thérapeutique : préparer, libérer, accueillir.


Psychanalyse et religion : l’éclairage de Françoise Dolto


Cette expérience m’a rappelé les écrits de Françoise Dolto, une figure certes controversée mais incontournable, notamment lorsqu'elle rapproche psychanalyse et religion. Dans son ouvrage Les Évangiles au risque de la psychanalyse, elle parle de la cure psychanalytique comme d’un rituel codifié, où la posture du praticien rappelle celle du prêtre.


Dolto met en avant l'importance de la verbalisation comme outil de libération. Même chez les tout-petits, exprimer les mots sur leurs maux peut amorcer un processus de guérison. Peut-être suis-je en train d'enfoncer une porte ouverte, mais dans les deux cas — religieux ou thérapeutique —, on voit à quel point la ritualisation, le cadre, et le rôle du "guide" favorisent l'émergence d’un mieux-être.





Que ce soit dans un cadre religieux ou thérapeutique, La croyance joue un rôle central. En thérapie, elle peut être rapprochée du concept de transfert, où le patient projette des sentiments sur le thérapeute, et du contre-transfert, où le thérapeute réagit à ces projections. La musique, dans ce contexte, devient un vecteur de catharsis, facilitant l'expression et la libération des émotions.


Se pose alors la question de notre positionnement. Comment accueillir l'autre, qui en tant qu'autre diffère de moi et l'accompagner sur le chemin de la guérison ? En tant que thérapeutes croyants ou non croyants, il me semble essentiel de comprendre l'importance, de respecter et d'accueillir la foi des patients. La musique devient alors un pont, un terrain commun qui facilite l'établissement d'un cadre thérapeutique familier pour le patient. Travailler avec un patient croyant implique de reconnaître la religion ou la spiritualité comme des ressources possibles. La musique, neutre et universelle, devient alors un terrain commun où chacun peut s'exprimer librement, quels que soient ses systèmes de valeurs.






Entre aujourd'hui et demain, des millions de personnes se rassembleront pour chanter, prier, et célébrer ensemble. Célébrer la naissance de Jésus bien sûr, mais aussi célébrer une voie vers le renouveau, le pardon, et la joie partagée. La musique joue ici un rôle central, soutenant les émotions et renforçant le lien communautaire. Cette dynamique est aussi celle de la thérapie de groupe : chanter ensemble, exprimer ses émotions collectivement, favorise des avancées personnelles significatives. La musique agit comme un support fonctionnel, catalyseur des émotions de chacun tout en créant un espace sécurisant pour se libérer.


La musique, un accompagnement universel de la vie


Que ce soit à la naissance, dans la vie quotidienne, ou à la toute fin, la musique accompagne les grandes étapes de l’existence. Claire Oppert, violoncelliste et musicothérapeute, illustre parfaitement cette idée avec le "Pansement Schubert" (2020).


En revenant la semaine suivante, je le trouve gravement altéré. Il est étendu sur son lit, corps marbré, visage dissimulé sous un masque à oxygène. Il est inconscient depuis la veille, ses bras reposent sur sa poitrine. On dirait qu’il attend calmement. Pourtant, quand je lui joue les premières notes de Gabriel Fauré, sa respiration s’amplifie massivement. Le tempo d’Après un rêve s’accorde à son souffle qui s’élargit peu à peu. Je suis entrée dans le rythme de sa respiration. J’ai ce privilège. Son souffle se mêle au chant de mon violoncelle. Il n’y a plus dans la chambre que nos deux respirations qui s’accordent mystérieusement sur la mélodie. Pulsation commune. Quand je m’arrête de jouer, je constate que ses bras sont couverts de chair de poule. Après un rêve. C‘est notre dernier dialogue. Il meurt le jour même, une heure à peine après que j’ai quitté la chambre.

En jouant du Schubert et bien d'autres œuvres auprès de patients en fin de vie, elle parvient à envelopper la douleur, à faire émerger le geste, la parole, les mouvements de vie, tant chez le patient que chez les paires-aidants et les équipes soignantes.


Surtout, et c'est de loin le plus important, il y a beaucoup plus de joie qui circule dans le service les jours où le violoncelle chante en accompagnant les actes infirmiers douloureux. Comme le disent les soignants, "On s'engueule moins le jeudi". p.105

La musique transforme l'environnement, brise le quatrième mur de l'intime sans s'y imposer, apportant amour, joie, colère, tristesse et surtout une forme d'auto-compassion.


Elle agit comme un baume, apportant réconfort et soutien.


Il est des êtres qui continuent de rayonner dans l'absence. Comme le silence après la musique, présent, vivant et lumineux.

Alors finalement, Dieu est-il ou n'est-il pas musicothérapeute ?


Je n'en sais rien et d'ailleurs je ne pense pas que donner une réponse à cette question soit vraiment le sujet. La réponse n’a en réalité aucune importance. Mais il me semble intéressant de voir comment la musique, qu’elle soit utilisée dans un cadre spirituel ou thérapeutique, est un outil universel de lien et de transformation. Et comment à défaut de Dieu, l'humanité s'en sert.


En cette période de Noël...et puisqu'à Noël, "on se dit tout" (Love Actually, seuls les bons reconnaitront 😅), j'espère que ce billet vous aura permis de vous laisser porter par cette réflexion sur le rôle de la musique. Cet outil riche traversant les âges, les cultures, et les contextes, pour toucher finalement ce qu’il y a de plus humain en nous : notre besoin de connexion, d’amour, et de renouveau.


Alors…


😊Vous avez aimé cet itinéraire ou vous souhaitez que l'on échange ? N’hésitez pas à partager vos réflexions en commentaire ou à me contacter en message privé.


Bon réveillon.


Amusicalement, L ✨🤲🎶



 

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Avec respect, bienveillance et authenticité, je sensibilise aux bienfaits de la musicothérapie et j'aide les femmes et les mères à mettre des mots sur leurs maux, et les accompagne dans la construction d'un environnement sain et sécurisant pour elles et leurs enfants.

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